Si vous voulez écrire un film d’un genre spécifique, mieux vaut vous plonger dedans. J’ai rencontré de nombreux scénaristes au fil des années. En leur parlant ou en menant des entretiens avec eux, j’ai découvert qu’ils avaient une chose en commun : ils connaissaient leur genre en profondeur.

C’est une leçon à retenir pour chacun d’entre nous.

Quand vous écrivez un scénario original dans un genre spécifique, vous devriez vraiment le connaître corps et âme. Afin d’y connecter chaque étape de votre processus de créativité et d’écriture : le concept, le développement des caractères, le brainstorming, l’intrigue, le ton, le style, l’atmosphère, la voix, le rythme, etc.

Il y a des motifs, des analogies, des tendances et des attributs distinctifs communs à certains genres. Vous devez en savoir le plus possible à leur sujet si vous voulez suivre, prendre à rebours ou briser les conventions en usage.

Si vous écrivez des films d’action, vous devez connaître les films d’action en général.

Si vous écrivez des comédies, vous ne pouvez pas ignorer le genre comédie.

Si vous écrivez de la science-fiction, vous devez être incollable sur les films de science-fiction.

Et ainsi de suite dans la liste des genres, des sous-genres, des genres croisés.

Sans pouvoir aborder toutes les raisons intéressantes de connaître son genre, en voici quelques-unes :

Connaître un genre signifie que vous savez déjà ce qui s’est fait et pouvez donc éviter de reproduire des scènes classiques ou des moments-clé du répertoire.

Faire un hommage est différent. Reproduire un moment-clé sans le savoir ne signifie pas seulement que vous aurez à faire des ajustements. Pour un professionnel du cinéma, c’est un indice d’une connaissance superficielle du genre dans lequel vous écrivez. Inversement, si vous avez une connaissance approfondie de votre genre, vous donnerez confiance à un producteur potentiel.

Connaître un genre signifie aussi que vous pouvez être inspiré par d’autres films dans la même arène. Prenons par exemple n’importe quel film de Quentin Tarantino. Chacun d’eux s’appuie sur les épaules de dizaines de films de ses prédécesseurs, en allant jusqu’à distribuer des acteurs qui jouaient dans ces films auxquels il rend hommage. Si vous êtes malin, vous pouvez faire référence, indirectement, à des moments-clé de ces films sous la forme d’un hommage. C’est un excellent moyen de “recycler” des passages réussis appartenant à l’histoire du cinéma.

Connaître un genre signifie aussi que vous saurez sans tarder si vous voulez écrire ou pas dans ce genre. Par exemple, si vous enchaînez les films d’horreur, qu’ils constituent une part substantielle de votre culture, il est probable que vous aurez le penchant, voire la passion d’écrire des scénarios de ce genre. Par contre, si vous regardez ou lisez des scénarios de ce genre en traînant la patte, vous feriez mieux d’aller voir ailleurs quels sont les genres qui vous font briller les yeux.

Une conséquence de connaître votre genre sera aussi d’être identifié dans le milieu du cinéma pour cette compétence (et ça peut être une bonne chose). Si vous devenez connu en tant qu’auteur de drames sportifs, les producteurs vous proposeront tout un tas de drames sportifs. Si vous vous faites connaître en tant qu’auteur de films de gags, vous recevrez de nombreux projets de films de gags. Si vous êtes connu en tant qu’auteur de pièces turgescentes impliquant des ours polaires quadragénaires et bipolaires qui ne parlent qu’en sous-titres Norvégiens, vous ne travaillez probablement pas pour le marché. Mais je pense que vous m’avez compris.

Le milieu ne perd pas de temps à se poser de questions et les esprits vont vite au plus proche raccourci : “Ce scénariste écrit de bons dialogues… Il est doué pour les projets bâti sur des personnages centraux… Cette équipe sait y faire avec les comédies autour de la frustration…”

Cette classification existe pour plusieurs raisons. En premier lieu, les décideurs des studios voient les auteurs comme des dépanneurs. Ce producteur a un projet qui nécessite une réécriture, un nouveau regard, une nouvelle paire d’yeux. Alors si le projet est, par exemple, un comédie régressive défoulatoire dans la veine de Very Bad Trip, il ira chercher un auteur qui a déjà de l’expérience dans ce type de sujets. C’est compréhensible.

Si le studio investit dans un auteur, ce dernier doit être à la hauteur du seuil de confiance du studio. Qu’est-ce qui va les rassurer le plus ? Un scénariste avec plusieurs expériences dans le genre du projet qu’ils veulent faire réécrire ou un scénariste spécialisé dans un autre domaine…?

La plupart des agents contribuent à cet état des choses. Si les producteurs voient les scénariste comme des dépanneurs, ils n’iront pas les contredire. Au contraire, ils iront dans leur sens.

A la fois malin et très occupés, les agents, ou tout autre type de représentant, glissent le scénariste dans la fente la plus appropriée pour que l’accord soit signé le plus facilement possible. Si vous espérez devenir célèbre dans les films d’action violents et pleins d’hémoglobine, il est très probable que votre agent ne vous propose pas l’adaptation d’un roman à l’eau de rose. Même si vous montrez de l’intérêt pour un tel projet, vous éveillerez la méfiance de votre agent, jaugeant immédiatement vos chances de conclure un tel accord étant donné votre peu d’expertise en la matière.

Voici un extrait d’un entretien avec le producteur Adam Kolbrenner, fondateur de Madhouse Entertainment :

« La vraie qualité d’un agent, c’est d’évaluer votre aptitude d’auteur à naviguer d’un scénario à un autre sans perdre du temps à produire des idées et à écrire ce que vous n’auriez jamais dû écrire… Quel est votre voix, quelles sont les histoires que vous désirez raconter et comment allons-nous y parvenir ensemble… Si un scénariste vient me voir et que c’est un super auteur de thriller ou de film d’action et qu’il me pitche une idée intéressante de comédie, je lui dis : Okay, c’est super. N’écris pas ça. »

N’écris pas ça. Votre agent ne pense pas uniquement à votre prochain contrat d’écriture mais aussi à votre carrière. Même si quelques auteurs parviennent à écrire dans des genres différents, la plupart se cantonnent à un seul domaine. C’est la pente la plus facile pour continuer à travailler comme auteur pour le marché.

Il y a encore une autre raison à se plonger dans les genres – à voir des films, à lire des scénarios – c’est de mettre à jour quelles sont les zones spécifiques qui vous intéressent le plus, où s’épanouit votre talent, qu’est-ce qui vous passionne le plus ?

Parce que si le milieu vous met dans une liste de scénaristes connus pour écrire un certain genre de films, vous devez avoir l’assurance de pouvoir écrire avec enthousiasme sur ces sujets pendant au moins cinq à sept ans. Parvenu à ce stade, vous pouvez, si vous le désirez, étendre votre créativité en écrivant un scénario “on spec” dans un autre genre, faire une incursion à la télévision, devenir mime… Tout ce qui vous plaira parce que si vous avez du succès, vous aurez le compte en banque pour vous réinventer.

Mais la première étape, c’est de connaître votre genre parmi ces huit grandes familles : L’action, la comédie, le drame, le film de famille, le fantastique, l’horreur, la science fiction et le thriller.

Alors, quel est votre genre ?

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.