Un travail préparatoire est essentiel pour réussir l’écriture de sa continuité dialoguée.

Considérons tout d’abord une chose : il n’y a pas qu’une seule manière valable d’écrire. Chaque auteur est différent. Chaque histoire est différente. Il n’y a pas d’approche universelle qui fonctionne pour tout le monde.

Cependant, de mon point de vue, on ne peut jamais trop souligner l’importance du travail préparatoire.

Brainstormer. Développer les personnages. Faire des recherches. Définir l’intrigue. Faire un plan sous la forme d’un outline (« scène à scène » ou « fil à fil » mettant en avant la structure). On peut aussi utiliser des « index cards » cartonnés (ou des post-its) sur un “writing board” (tableau d’écriture) pour séquencer le scénario.

Quelle que soit la manière dont vous faites ce que vous faites pour aboutir au moment ou vous écrirez le premier mot de votre continuité dialogué, faites-le d’une manière immersive et réfléchie.

En d’autres termes, “breakez” votre histoire avant de commencer à écrire.

Je comprends que cela démange les auteurs de vouloir plonger directement dans l’écriture des scènes, ce qui en soi est super, car cela permet de surmonter le seul grand challenge de l’écriture : poser ses fesses dans un fauteuil et se mettre à écrire.

Néanmoins, il faut trouver un équilibre entre cet avantage et l’importance de trouver son histoire.

Certains auteurs détestent tout type de préparation et ne s’en sortent pas lorsqu’ils y sont confrontés. Ils n’ont juste qu’à ouvrir leur traitement de texte préféré pour se lancer. Il n’y a rien de mal à cela… si ça fonctionne.

Vous êtes peut-être un auteur qui ne supporte pas le processus de préparation ou qui considère que cela inhibe votre créativité. Quelque soit votre approche, qu’elle implique peu ou pas de préparation, si ça fonctionne pour vous, allez-y et bonne chance.

Cependant, pour avoir été sur la ligne de front des scénaristes « voulant passer pro », après avoir travaillé avec des centaines d’auteurs, et été en contact avec des milliers d’entre eux grâce à mon blog, je crois fermement que leur problème principal est de ne pas suffisamment préparer leur récit.

Tout d’abord, et je parle d’expérience, un auteur a moins de chances de terminer son script s’il n’a pas identifié au moins les derniers rebondissements principaux avant d’entamer son script. S’ils se perdent, la confusion s’infiltre. S’ils n’arrivent pas à trouver leur histoire, l’enthousiasme décline. À un moment, la frustration s’installe, puis l’aigreur, puis le rejet. Enfin, le projet finit sa vie dans la pile des projets avortés.

Deuxièmement, si quand bien même ils arrivent à la fin du script – en leur accordant qu’une première version est toujours un peu grossière – à moins qu’ils fassent 10 à 15 versions, je doute qu’ils finissent par trouver leur histoire, ce qu’ils auraient trouvé s’ils s’étaient immergés dans ce travail préparatoire. C’est l’un des grands avantages du brainstorming et plus particulièrement du développement de personnages, que de s’offrir la liberté d’explorer et de tester une large variété de possibilités narratives, en opposition à notre auteur ci-dessus qui a réduit le choix des possibles avant de s’ouvrir à des idées alternatives.

Troisièmement, si l’auteur veut avoir une chance de réussir comme scénariste professionnel, il doit être capable d’écrire beaucoup et d’enchainer les scénarios. Quand vous signez un contrat qui vous accorde trois mois pour rendre un texte (dead line des studios américains quand un projet est acheté sur synopsis), vous avez intérêt à respecter les délais. Avoir forgé sa propre méthode pour effectuer ce travail préparatoire est un vrai plus par rapport aux auteurs qui regardent l’encre sécher sur le contrat, puis se disent « Euh, je fais quoi maintenant ? ».

Au passage, si vous avez envie d’écrire plus particulièrement pour la TV, que vous aimiez faire ce travail préparatoire ou pas, vous serez forcés de vous y plier. Par exemple, sur les dramas de 52’ avec un arc narratif qui s’étend sur une ou plusieurs saisons, les auteurs “breakent” tout ou partie de cet arc, avant de faire plonger chaque auteur dans son épisode. En fait, on peut dire sans trop s’avancer que, dans les “writers’ rooms” (ateliers d’écriture), la plupart du temps est alloué à “breaker” des histoires (après avoir raconté des conneries et mangé des cochonneries évidemment).

Il faut de tout pour faire un monde. Et oui, on veut tous garder une part de mystère et se laisser surprendre lorsque les histoires se révèlent d’elles-mêmes. Si un outline complet (plan de la structure sous forme de “scène à scène” succinct) semble étouffer votre créativité, ne faites pas d’outline complet !

Quoiqu’il en soit, pour les auteurs qui rejettent cette stratégie, ce que je veux dire c’est que vous devez trouver votre histoire d’une manière ou d’une autre. Alors pourquoi ne pas la trouver avant d’écrire ?

Ainsi, arrivés à l’écriture proprement dite, vous pourrez vous concentrer sur tout le plaisir de l’écriture (descriptions, interaction entre les personnages, construction des scènes, transitions, atmosphère) plutôt que d’essayer désespérément de trouver quoi mettre où, est-ce que ça marche, oh mon dieu, je suis perdu.

Pour finir, je dirais ceci. J’ai vu des auteurs se “convertir” à cette manière de travailler. Beaucoup d’entre eux n’avaient fait que peu de travail préparatoire, et certains étaient même persuadés que ça ne fonctionnerait pas avec eux. Après avoir testé ce travail préparatoire, c’est comme si les portes du paradis s’étaient ouvertes et que la lumière divine leur été tombée dessus. Sans rire. J’ai des dizaines de témoignages de la sorte.

L’essentiel du travail préparatoire est très simple : soyez curieux de vos personnages, intéressez-vous à eux, apprenez à les connaître, interagissez avec eux, écoutez-les, réfléchissez à leur histoire personnelle, fouillez leur personnalité, creusez, creusez et creusez encore. Si vous faites ça de manière réfléchie, l’histoire, l’intrigue elle-même émergera naturellement de ce travail préparatoire.

Je l’ai vu arriver tellement de fois. C’est pourquoi que je le répète sans cesse à la plupart des scénaristes…

Breakez votre histoire avant d’écrire.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.