On pourrait penser que c’est évident, mais je continue d’être surpris par les scénarios que je lis et qui souffrent parce qu’ils restent en surface, explorant uniquement ce qu’il se passe dans l’intrigue.

Cela ne reflète pas la profondeur de l’univers d’un scénario qui existe à deux niveaux :

Il y a le Monde Extérieur, domaine de l’Action et du Dialogue, sphère du Voyage Physique d’une histoire.

Il y a le Monde Intérieur, domaine de l’Intention et du Sous-texte, sphère du Voyage Psychologique d’une histoire.

MONDE EXTÉRIEUR = ACTION – DIALOGUE >>> INTRIGUE

MONDE INTÉRIEUR = INTENTIONS – SOUS-TEXTE >>> THÉMATIQUE

Bien sûr, ces désignations sont artificielles parce qu’une histoire doit être vue par un lecteur de scénario ou un spectateur de cinéma en tant qu’entité organique.

Cependant, en tant que lentilles à travers lesquelles un scénariste peut regarder une histoire au cours de son développement et de son écriture, cette approche binaire nous rappelle une dynamique clé qui est à l’œuvre à chaque instant de chaque scène :

Dans chaque scène, les Actions et les Dialogues des personnages, ce que nous voyons et entendons dans le Monde Extérieur, porteent presque toujours en eux des Intentions et du Sous-Texte, ce que nous pressentons et interprétons du Monde Intérieur de la scène.

Chaque Personnage a un tout autre Soi dans le monde intérieur, parfois rendu visible, parfois mystérieux par l’utilisation de masques dans le monde extérieur :

Protagoniste, Nemesis (Antagoniste), Attractor (Allié, love interest), Mentor, Trickster (Escroc, tricheur)…

A chaque temps fort de la ligne d’intrigue, en plus des événements qui se produisent dans le monde extérieur et détournent la narration dans une certaine direction, on trouve des ramifications avec le monde intérieur constitué des expériences des personnages… qui changent leurs attitudes… qui ont un impact sur leur comportement… ce qui provoque ensuite d’autres temps-forts de la ligne d’intrigue… créant ainsi un entrelacs continu entre les deux dimensions jumelles de l’univers de l’histoire.

De plus, en étant sensible au flux et au reflux de ce qui transpire à la fois dans le monde extérieur et dans le monde intérieur, nous nous familiarisons avec les multiples strates de sens, d’émotions, de désirs, de besoins, qui peuvent tous enrichir notre écriture et rendre nos histoires plus convaincantes parce qu’il y a plus – parfois beaucoup plus – qu’il n’y paraît.

D’autre part, en focalisant trop son attention sur la structure du scénario (structure que beaucoup assimilent à tord à la seule intrigue), on a tendance à diminuer l’importance de la vie psychologique d’une histoire. Nous pouvons nous retrouver avec une intrigue bien conçue, mais s’il n’y a pas de résonance émotionnelle, pas de sens sous-jacent dérivé du monde intérieur, pas de complexité et de profondeur dans ce qu’il se passe, les chances sont minces que l’histoire puisse se connecter avec un lecteur.

Il y a donc une vérité fondamentale concernant le scénario : son univers est composé d’un monde extérieur et d’un monde intérieur.

Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de moment statique dans un scénario, car il y a toujours du mouvement et de l’énergie à l’œuvre, à l’extérieur ou à l’intérieur, chaque domaine influençant l’autre, une tension dynamique d’intentions, de sous-textes, qui influe sur les actions et les dialogues.

Quand quelque chose arrive… Quelque chose d’autre arrive.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.