Quand j’ai démarré dans le milieu du cinéma en 1987, il n’y avait qu’une poignée de livres sur l’écriture de scénarios. Maintenant, c’est devenu une folie. Vous ne pouvez pas entrer dans une librairie de cinéma sans tomber sur une section entière de manuels sur l’écriture. Des livres s’appuyant sur le fantasme d’une écriture facile. Vous voyez ce que je veux dire.

Il y a une industrie artisanale florissante de « gourous de l’écriture de scénarios » qui font la promotion de ce que certains appellent « La machine à espoir ». Les secrets d’Hollywood. Écrivez votre scénario…. et devenez riche !

Si vous avez passé un peu de temps à naviguer en ligne dans l’univers de l’écriture de scénarios, vous avez sans doute vu des publicités avec des messages comme ceux-ci : 

Le secret du scénario on spec vendu un million de dollars ! Comment écrire un scénario que les agents s’arracheront et que les studios achèteront ! Votre chemin à l’épreuve des balles vers le succès de l’écriture de scénario !

Ce que beaucoup de ces gens vendent – et c’est leur but ultime pour vous inciter à acheter leur produit – est une formule de scénario pour vous convaincre qu’ils ont trouvé LA manière unique de structurer les histoires dans un scénario, un scénario tel que le marché sera forcément séduit.

Leur postulat est qu’il y a une bonne façon d’écrire un script. La leur.

Je vous le dis très clairement : ils vous vendent un mensonge !

La vérité ? Il n’y a pas de « bonne » façon d’écrire un scénario.

Chaque histoire est différente.

Chaque scénariste est différent.

Pire encore, la présence accrue de ces concepteurs de formules de scénario a un autre effet négatif, tant sur les scénaristes individuels qui s’efforcent d’apprendre les tenants et aboutissants de l’écriture que sur la perception et la pratique du métier de scénaristes qui évoluent dans un marché.

En tant que scénariste, enseignant et auteur d’un blog sur l’écriture, je croise chaque année des centaines de scénaristes émergeant qui me font part de deux plaintes récurrentes :

La première : la confusion.

Ils ont acheté tel ou tel manuel ou tel DVD, assisté à tel ou tel séminaire ou à tel webinaire, ils ont dévoré consciencieusement la sagesse de multiples gourous de l’écriture de scénarios, chacun avec sa propre formule. Et au final, le scénariste finit profondément perplexe quant à la façon d’écrire parce que le résultat est un mélange confus de beat sheets, de paradigmes, de séquençages et de systèmes à terminologie simplifiée.

Le second : la déception.

Ils ont utilisé la formule de ce gourou-ci ou de celui-là, et ont écrit un ou plusieurs scénarios, mais après les avoir fait lire par des lecteurs professionnels, ou avoir participé à des concours de scénarios, la réponse a été mitigée. Peut-être que la « formule » du scénario sur laquelle ils se sont appuyés les a aidés à élaborer une intrigue qui s’inscrit dans ce qui est généralement perçu comme une structure narrative conventionnelle, mais ils n’ont pas compris qu’il n’y a pas de manière unique de raconter les histoires.

Et c’est là que se situe le problème principal : il n’existe pas de « formule de scénario » à l’épreuve des balles parce qu’une bonne histoire est organique. Il y a une vitalité et une vie qui se déploient d’une scène à l’autre, avec des rebondissements et des surprises.

Au lieu de considérer l’histoire comme une sorte de formule mathématique, je pense que nous avons tout à gagner en commençant par ceci :

Les personnages

Après tout, c’est leur histoire, leur univers. Ils l’ont vécu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an. Personne ne sait qui ils sont, mieux qu’eux. De plus, ils veulent que nous racontions leur histoire. La structure de l’histoire émergera naturellement si l’on s’immerge dans la vie de nos personnages, l’arc de leur destin personnel se manifestant sous forme de scènes et d’intrigues.

À mon avis, le travail de développement des personnages est le plus grand antidote aux effets désolants de l’écriture basée sur des formules.

Cependant, les personnages sont imprévisibles et, par conséquent, plus difficiles à « emballer dans un produit commercialisable ». À contrario, les gens qui vendent l’idée de « formule de scénario » préférent les trucs faciles et simples. Ce temps fort va ici. Ce temps fort va là. Beaucoup plus facile à vendre. Il y a même des gens qui font la promotion de « logiciels de structure d’histoires » ! Vous imaginez ? Histoire > Structure > Logiciels… Comme si nous pouvions réduire une histoire à un code binaire !

Chers amis, c’est une pente glissante qui, pour la plupart des auteurs, ne mène nulle part, si ce n’est à la dépense de beaucoup d’argent, à une approche fondamentalement superficielle de l’écriture de scénarios et à un amoncellement de projets rejetés.

Conclusion : Oui, apprenez la sagesse conventionnelle. Comprenez les grands principes généralement acceptés par les professionnels. Mais s’il vous plaît, faites-vous une grosse faveur : rejeter les formules de scénario. Elles ne vous aideront pas, pas plus qu’elles n’aideront en général l’art de l’écriture de scénarios.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.