Si vous vous lancez dans le métier de scénariste, vous devez être prêt à dire ce mot : « Non ».

Parfois, dire oui peut vous faire gagner pas mal d’argent en tant que scénariste. Mais vous pouvez aussi finir par écrire beaucoup d’horreurs. Et avec le temps, ça peut vous détruire intérieurement.

Dès que vous dites « oui » à un projet, le producteur vous possède en quelque sorte.

Aussi, d’une certaine façon, le seul vrai pouvoir d’un scénariste – en dehors de sa capacité d’écriture – est donc de dire « non« .

Voici un exemple : disons que vous avez une haine profonde et instinctive pour tout ce qui concerne les chevaux. Peut-être êtes-vous tombé d’un cheval quand vous étiez enfant et vous êtes cassé le coccyx. Peut-être que votre père a joué les économies de toute une famille en pariant – et en perdant tout – au PMU. Peut-être que vous avez des nausées physiques si vous surfez sur les chaînes et que vous tombez sur My Friend Flicka. Peu importe. Le truc, c’est que vous détestez les chevaux!

Donc un jour, vous allez à une réunion dans un studio. Vous bavardez, vous riez, ils adorent votre écriture, en fait, il y a un projet pour lequel ils pensent que vous seriez parfait : « C’est Mr. Ed the musical ! En 3D ! »

Vous connaissez votre valeur (disons 80 000 euros). Vous savez que le job est pour vous. Et pourtant, vous détestez les chevaux.

Êtes-vous prêt à dire non ? Laisser tomber plus de 80 000 euros ?

Il y a peut-être des circonstances où vous pourriez faire valoir que vous devriez dire oui. Par exemple, vous n’avez pas bossé depuis 9 mois et vous êtes super endetté. Ou bien l’appartement de votre mère a été détruit par un ouragan – et elle n’avait plus d’assurance – alors elle compte sur vous pour l’empêcher de vivre dans la rue.

Après tout, vous êtes un scénariste créatif, alors si vous travaillez suffisamment, même si vous n’avez pas envie du job, vous pouvez probablement trouver toutes sortes de raisons plausibles pour dire oui et prendre cet argent.

Mais attention, si vous dites oui, voici ce qui arrivera presque certainement :

– Vous détesterez la majeure partie du temps que vous travaillerez sur le projet (nous parlons au grand minimum de 6 mois de votre vie).

– Votre incapacité à vous immerger dans le matériel se reflétera dans le scénario que vous remettrez.

– Le studio détestera votre scénario ou pire, l’aimera juste assez pour vous embêter avec des réécritures et des polissages sans fin et non payés.

– Afin d’atténuer la douleur de votre vie noyée dans les histoires de chevaux, vous commencerez à boire et à fumer, vous travaillerez jusqu’à 4h du matin, vous prendrez 10 kg, vos amis se plaindront du parfum fétide qui émane de votre corps mal lavé, et votre carrière sombrera au point où vous serez finalement amené à scénariser les pires navets !

Bref, vous serez sur la bonne voie pour devenir un scénariste épuisé, au visage pâteux, agressif, qui passe ses journées à troller sur le Net.

Et si vous aviez dit non à M. Ed : The Musical (en 3D) ?

Certes, vous auriez été à court d’argent un moment, mais vous auriez gagné un peu de karma créatif. Et si vous avez le bon sens de refuser un projet qui n’est clairement pas pour vous, quelque chose de bon viendra après. Peut-être pas assez pour que Scarlett Johanson ou Jude Law viennent vous proclamer leur amour éternel – mais vous auriez gardé un espace pour un projet d’écriture plus intéressant et moins destructeur pour votre âme.

Oui, vous pouvez gagner pas mal d’argent en disant oui en tant que scénariste.-

Mais vous pouvez aussi avoir une carrière de scénariste beaucoup plus agréableet plus longue – si vous revendiquez le pouvoir de (parfois) dire : « NON ».

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.