La création cinématographique est un travail de collaboration. Pour un scénariste, cela signifie en fait que tout le monde peut mettre son nez dans le scénario et le « foutre en l’air ». Bien sûr, vous le savez parce que vous avez entendu que « auteur » est le mot français pour dire « le réalisateur a le droit de faire foirer votre scénario comme il le veut », mais vous savez aussi qu’il se passe beaucoup de choses avec votre scénario avant le début du tournage. Notamment – et douloureusement – sous la forme de « réunions de notes » (script notes meeting).

Une réunion de notes peut aller d’une expérience infernale jusqu’à une expérience horriblement infernale.

D’accord, d’accord. Je suis Mr Négatif.

[Prend une grande respiration]

Le fait est que, oui… il y a des moments où ce qui ressort d’une réunion de notes profite à l’histoire. Cela peut arriver. Je veux dire que les Mets ont gagné deux fois les World Series, non ? Damn. J’ai l’air d’un vieux schnock amer. Essayons encore une fois.

[Se racle la gorge]

Le processus d’élaboration du scénario est une merveilleuse occasion de creuser une histoire, d’attirer l’attention des plus brillants esprits, de découvrir tous ses mystères cachés et ses secrets les plus profonds, permettant au vrai scénario, le grand scénario, de voir la lumière du jour.

[Descente de Jack Daniels]

La vérité se situe quelque part entre les deux.

Il y a plusieurs sortes de réunions de notes. Réunions avec les réalisateurs. Avec les talents. Avec les producteurs. Voici à quoi s’attendre lors d’une réunion de notes typique avec un producteur :

*Vous arrivez à la production.

*Vous sirotez de l’eau plate ou un café en attendant le début de la réunion.

*Vous éventrez nerveusement les pages de votre script en espérant contre toute attente ne pas avoir beaucoup de notes.

*Vous entrez dans le bureau du prod et votre estomac se noue lorsque vous voyez votre script sur leur bureau, gonflé de notes. Ça va être une longue réunion.

*Vous bavardez pendant cinq minutes pendant qu’une enclume symbolique pend au-dessus de votre tête.

*Ensuite, vous, le prod, le prod, le responsable de développement, et parfois une personne sans nom qui s’assoit pour prendre des notes, s’attaquent au scénario.

*Page par page, ils fournissent leurs commentaires.

Ces commentaires peuvent comprendre ce qui suit :

« Le Protagoniste pourrait être plus sympathique dans l’exposition, tu ne crois pas ? »

« Cette scène est censée être drôle, non ? »

« Ce truc avec le machin ici ? Je ne comprends pas. »

« Je sais que c’est un élément clé de l’intrigue, mais faut-il vraiment que ce soit des funérailles ? Et un mariage ? »

« Je ne ressens toujours pas beaucoup de sympathie pour le Protagoniste. Peut-être lui donner un animal de compagnie… un chien… un chien de sauveteur… un chien de sauveteur avec trois pattes ? »

« J’ai laissé ma copine lire le script et elle pense que ce serait une bonne idée… »

« Qu’est-ce que c’est ? Un paiement ? Où était l’installation ? Oh, page 5. Page 12. Et page 35. J’ai raté ça. Tu devrais… en rajouter un peu. »

« Oui, cette scène… pouvez-vous la rendre trente pour cent plus drôle ? »

“… …. …. ….. euh… »

« Le Protagoniste… Je ne ressens toujours pas de sympathie pour lui. Et si on lui donnait une femme décédée ? Je veux dire une femme qui est morte, c’est super sympathique, non? »

« Désolé, je dois prendre cet appel. »

“… … … … …”

« Ok, où en étions-nous ? »

« Ça semble lent. En fait, tout ça, tu sais… la dernière… chose… depuis ça… tu sais… la chose qui est là derrière… c’est comme… tu sais ce que je veux dire. »

« Je vais te dire ce dont ça a besoin. Des répliques drôles. Quelque chose que les adolescents qui l’auront vu le vendredi diront le lundi matin à l’école. Tu peux m’en trouver un peu ? »

« Pourquoi pas un chien de sauveteur et une femme qui est morte ? »

Et ainsi de suite, et ainsi de suite.

Écoutez… parfois c’est vraiment aussi mauvais. Parfois, c’est pire. Parfois, c’est mieux. La réunion des notes de scénario est un passage obligé, une réalité pour chaque scénariste sur chaque projet.

Alors, comment survivre aux réunions de notes ?

1 : Attendez-vous au pire. De cette façon, si c’est vraiment une mauvaise réunion, vous êtes prêt à y faire face. Si c’est une réunion pas si mauvaise, vous vous sentirez comme le roi du monde.

2 : Faites attention au langage corporel. S’ils se penchent en avant, claquent le poing sur leur bureau et vous regardent dans les yeux, ils sont probablement sérieux au sujet de cette note. Si, par contre, ils se penchent en arrière, regardent le plafond et vérifient les cours boursiers sur CNBC, il y a de bonnes chances que vous puissiez éviter de vous pencher sur ce point parce qu’il est probable qu’ils l’oublieront de toute façon.

3 : S’ils ont une bonne idée ou quelque chose qui sera facile à arranger, assurez-vous de leur en faire part, « C’est une idée formidable ». Ils adorent que leur instinct créatif soit validé.

4 : Comprendre que beaucoup de notes proviennent du fait que les gens du développement ont besoin de justifier leur travail. Alors ils trouvent des trucs juste pour trouver des trucs. Cela ne veut pas dire qu’ils ont raison, mais qu’il faut s’occuper d’eux.

5 : Choisissez vos batailles avec sagesse. En théorie du moins, ils savent que les scénaristes comprennent mieux l’histoire qu’eux. Donc, avant d’aller à une réunion de prise de notes, décidez quels aspects de votre scénario sont vraiment importants pour vous, ceux pour lesquels vous êtes absolument prêt à vous battre. Les autres trucs ? Comme le dit le monsieur : « Il y a toujours une autre façon de faire ».

6 : Ne le prenez pas personnellement C’est un travail. Soyez un professionnel. Gérez ça.

7 : Ne faites jamais attention à une note qui provient de la petite amie ou du petit ami de quelqu’un. Il est fort probable qu’au moment où vous ferez ces changements et que vous reviendrez pour votre prochaine réunion de notes, la personne avec qui vous traitez aura rompu avec sa GF ou son BF.

8 : Apprenez à sourire, hochez la tête et ayez l’air de prendre des notes. Les apparences sont importantes.

9 : Acceptez ce simple fait : si tout le monde peut se planter avec votre scénario, il n’y a rien de tel qu’une expérience parfaite de développement de scénario. Et s’il n’existe pas d’expérience parfaite, vous n’avez pas à vous inquiéter que votre histoire soit… vous savez… parfaite. Alors faites juste de votre mieux.

10 : Jack Daniels.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.