Le métier de scénariste n’implique pas uniquement le fait d’écrire des scénarios.

L’un des soucis récurrents quand il s’agit d’aborder le métier de scénariste, c’est que souvent on ne se concentre que sur le fait d’écrire un scénario. Évidemment c’est important, vous devez être capable de matérialiser sur une page, votre talent, votre ton et la vision que vous avez de votre histoire. Bien entendu un scénario n’est pas seulement un document de vente, il s’agit aussi de montrer votre particularité en tant que scénariste.

Mais si le scénario fini est l’aboutissement formel de notre métier, être scénariste ne se limite tout simplement pas au seul fait d’écrire un scénario. Tout un pan de ce qu’est le métier réside dans ce qui se passe autour de l’écriture, dans ce que nous vivons et absorbons, et la façon dont cela influence notre manière d’écrire, ce sur quoi nous portons notre attention et comment cela se matérialise au final sur une page.

En d’autres termes, il ne s’agit pas tant « d’écrire un scénario » que de réfléchir et d’agir en scénariste. Et pour cela nous devons apprendre le métier.

ÉCRIRE, RÉÉCRIRE, ÉCRIRE, RÉÉCRIRE ET  AINSI DE SUITE…

Mais comment apprend-on le métier ? De même qu’il n’y a pas une seule manière d’écrire, il n’y a pas une seule manière d’apprendre le métier. Cependant voici une liste de conseils qu’à mon sens tout scénariste devrait assimiler au cours de son apprentissage.

LA THÉORIE

Certains scénaristes en ont plus besoin que d’autres, mais il n’est pas inutile d’avoir un minimum de connaissances concernant la dramaturgie avant de commencer à écrire. Voir un peu plus qu’un minimum…

LES RECHERCHES

Bien qu’il n’existe pas une façon spécifique de se documenter, un scénariste devrait connaître l’adresse de la bibliothèque la plus proche ou au moins disposer d’un accès à Internet. Mais l’essentiel réside surtout dans le fait d’entretenir et de nourrir sa curiosité afin d’approfondir le sujet du scénario sur lequel on planche. C’est le meilleur moyen de créer un univers cohérent et crédible pour votre lecteur ou votre spectateur.

LA PRÉPARATION

S’il est possible d’amorcer l’écriture d’un roman sans plan précis, les scénaristes qui travaillent pour une commande ne disposent pas de ce luxe. À Hollywood, à partir d’un synopsis, l’écriture de la V1 se fait généralement en trois mois, et l’une des clefs pour respecter ce délai est de “breaker” l’histoire (en définir les temps forts) avant d’écrire. Cela dépend des scénaristes, mais la plupart du temps, l’outline (le plan détaillé, “fil à fil” ou “scène à scène” en France) est un allier indispensable.

LA V1

Certains pensent que cette version est toujours de la « merde » et que c’est normal (“Le vomit draft” ou “muscle draft”). Je préfère l’envisager comme une version zéro. Quelle que soit sa manière de l’envisager, tout scénariste doit se mettre dans une disposition d’esprit qui lui permette de passer ce premier jet sans constamment revenir en arrière, corriger ou critiquer son travail afin de ne pas s’enliser à ce stade. C’est à ce moment-là que l’on constate l’importance absolue d’avoir “breaké” son histoire en préparation, parce que si le scénariste a déjà bien décomposé son histoire en amont, il pourra écrire très vite un premier jet sans rester bloqué dès la première scène.

RÉÉCRIRE

Il n’y a aucune autre forme d’écriture pour laquelle le dicton « écrire c’est réécrire » ne s’applique aussi bien que pour l’écriture de scénario. Donc une partie du processus d’apprentissage consiste non seulement à apprendre à gérer la phase de réécriture, mais à prendre conscience que le fait de réécrire fait partie intégrante du métier de scénariste. Pour un scénariste réécrire c’est comme respirer. C’est comme ça.

LA PRODUCTION

Avec un peu de chance – enfin plutôt un sérieux alignement de planètes – un scénariste verra son scénario devenir un véritable film. Cela vous semble merveilleux, et ça l’est, mais cela signifie également que l’équipe du film va se réapproprier ce que vous avez écrit. Il incombe donc au scénariste de comprendre le processus de transformation de son scénario, nécessaire à la réalisation du film. Un bon conseil : pour comprendre le plateau, réalisez des courts-métrages.

LA POSTPRODUCTION

La postproduction implique un certain nombre d’étapes essentielles à la réalisation du film, mais s’il y a une étape à laquelle le scénariste doit être attentif c’est celle du montage. Un scénariste qui pense comme un monteur pendant l’élaboration de son scénario, qu’il s’agisse de la construction des scènes ou des transitions entre celles-ci, rendra son document plus lisible et cela profitera in fine à l’ensemble du processus de production et de postproduction.

LE TRAVAIL DE COMÉDIEN

Une des choses les plus judicieuses qu’un scénariste puisse faire, c’est de prendre un cours de théâtre (ou deux). Premièrement cela permet ensuite d’écrire des dialogues « adaptés » aux comédiens, mais il s’agite également et c’est fondamental, de comprendre les personnages. Les comédiens se posent les mêmes questions que les scénaristes à propos d’un personnage. Quelle est sa motivation, sa personnalité, son vécu, son désir, ses besoins, son objectif ?  Plus un scénariste parvient à saisir comment les comédiens envisagent leur métier, plus il sera à même de concevoir des personnages bien caractérisés.

LE BUSINESS

Si un scénariste peut compter sur son agent, son manager ou son avocat pour obtenir des conseils sur la profession, il doit aussi en connaître un minimum sur la manière dont fonctionne l’industrie audiovisuelle. Depuis l’option en passant par le développement et la production sans négliger le marketing, la distribution et le financement d’un projet. Le scénario d’un film ou d’une série se retrouve dans les mains d’un certain nombre de personnes dans chacun de ces domaines, il s’agit donc pour le scénariste de connaître à minima le fonctionnement de la chaîne de production.

LES PRODUCTEURS

L’un des points de vue les plus importants sur le scénario, c’est celui du producteur. La capacité d’un auteur à se mettre dans la peau du producteur et à adopter son point de vue est extrêmement précieuse. Elle permet à l’auteur de saisir les enjeux auxquels le producteur fait face, tant du point de vue de scénario que de la stratégie. Les producteurs sont souvent les partenaires privilégiés du scénariste, comprendre leurs enjeux est un atout.

L’ESPRIT CRITIQUE

L’industrie du cinéma et de l’audiovisuelle est extrêmement compétitive et le nombre de projets qui finiront par se faire est ridiculement faible. Par conséquent, un scénariste doit toujours garder son esprit critique afin de ne pas perdre son temps. Avant de commencer un projet, il est donc utile de se poser la question suivante : est-ce que cela peut faire un film ou une série ? Votre capacité à répondre de manière honnête et lucide à cette question est essentielle. Vous pouvez vous poser la même question lorsque vous explorez les pistes pour un scénario : est-ce que c’est suffisamment original ? Est-ce que c’est cliché ? Est-ce que vous ne pouvez pas faire mieux ? Si oui. Recommencez.

LE MILIEU PROFESSIONNEL

Tout scénariste qui souhaite faire une carrière doit être capable de s’immerger dans le milieu de l’audiovisuel. Il faut voir les films, lire un maximum de scénarios, connaître l’histoire du cinéma et des séries. Cela pour un tas de raisons, mais une en particulier : le fait que tout le monde dans le milieu se réfère constamment à d’autres films, d’autres séries et qu’il faut pouvoir être capable de rebondir. Vous devez comprendre ce dont parlent vos interlocuteurs, que ce soit en réunion, pendant le développement, les conférences et les soirées… (Venir aux événements organisés par la Guilde vous permet par exemple de vous immerger dans le milieu. NDT).

Il y a tout un tas de choses que j’ai oublié de mentionner – comment choisir ses batailles, comment intégrer les retours sur votre scénario, comment de pas être un con et ainsi de suite. Mais je pense que le principal a été dit.

Mais je le répète au cas où : apprendre ce métier ce n’est pas apprendre à écrire un scénario…

C’est apprendre à devenir scénariste.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.