Structure. Format. Style. Rien de ce qui est associé à un scénario n’est statique. Au contraire, cette forme narrative est en constante évolution depuis ses origines. 

Ce conseil fait parti d’une série de 5 articles que j’ai écrits sur le fait qu’il n’y a pas de “règles d’écriture” en scénario. Il y a des conventions. Il y a des attentes. Il y a des modèles. Mais c’est un fait, il n’y a pas de règles figées. Pour démontrer cela, j’ai essayé de mettre les choses en perspective : historiquement, théoriquement et en pratique. Voici la perspective “historique”.

Ce-dessous, découvrez le premier exemple de quelque chose ressemblant à un script : Le scénario (français!) complet du film de 1902, Un voyage sur la lune, de Georges Méliès :

Même si nous pouvons reconnaître dans le scénario certains éléments similaires à un scénario de tournage moderne, tels que les lieux de tournage et les scènes numérotées, toute personne ayant une compréhension, même superficielle, des scénarios contemporains remarquera les nombreuses différences de fond, dont pas la moindre… il n’y a pas de dialogue !

Quelques décennies plus tard – certains d’entre vous ont peut-être lu la série d’articles que j’ai écrite sur le livre “How to Write Photoplays“, l’un des premiers How-to-book sur l’écriture de scénario, datant de 1920, par la scénariste Anita Loos et son mari John Emerson. Vous pouvez lire cette série ici – voici une page d’un script original qu’Anita Loos et Emerson ont écrit à l’époque :

T = Titre
1., 2., etc. = numéro de scène
SP = Sous-titre
INSERT : = Une prise de vue spécifique de la caméra, généralement un gros plan.

Le terme technique de ce document à l’époque était « continuité ». Au fil du temps, il est devenu « photoplay ». Puis « screen play ». Puis « screenplay » (« scénario » en français). Dans l’exemple ci-contre, nous pouvons voir d’autres changements se produire, y compris l’utilisation de sous-titres pour transmettre le dialogue, et une mise en scène plus élaborée. Cette approche est un exemple des racines de ce qui finira par devenir un scénario.

Allons maintenant jusqu’en 1951 avec cet extrait du scénario du film The African Queen, adapté du roman de C.S. Forrester de James Agee et John Huston. Ce que nous lisons ici ressemble beaucoup plus à un scénario contemporain, incluant maintenant des dialogues, mais notez tous ces plans de caméra.

Comparez la page précédente avec la scène d’ouverture du scénario du film Zombieland(2009) écrit par Rhett Reese et Paul Wernick. Il y a une référence à une caméra, mais il s’agit d’une sensation de « found footage » diégétique, sans désignation spécifique pour les PLANS MOYENS ou les INSERTS. Ce n’est là qu’une des nombreuses différences de style et de format par rapport aux itérations précédentes du scénario.

Je vous fais cette rapide incursion dans l’histoire des scénarios pour souligner mon point de départ : la nature même d’un scénario est organique. Il n’est pas statique. Il est malléable. Ça change.

Depuis sa naissance, la forme a subi toutes sortes d’influences : l’avènement de la technologie du son qui a engendré le besoin de dialogue, l’impact des dramaturges et des journalistes, l’émergence des réalisateurs comme auteurs, des scènes séquencées pour mettre en valeur les plans, et ainsi de suite.

Par conséquent, toute personne qui prétend qu’il n’y a qu’une manière d’écrire un scénario, ou ce que vous pouvez ou ne pouvez pas le faire, part sur la base d’une fausse supposition : qu’il existe une formule de scénario établie.

Il n’y en a pas. Le format et le style du scénario sont dans un état constant de métamorphose, le scénario est organique par nature.

Oui, il y a des conventions et, comme nous le verrons dans de prochains conseils, des attentes de la part des lecteurs. Il est sage de les apprendre. Mais ce ne sont pas des règles et vous n’êtes pas liés par elles.

Le sous-texte principal de toute cette série est le suivant : Vous devriez vous concentrer sur l’histoire.

Toujours l’histoire.

Tout ce qu’il faut pour le raconter de la façon la plus divertissante, engageante et évocatrice possible – tant que ce qui se passe sur la page est clair pour le lecteur – c’est à quoi vous devriez consacrer votre énergie.

L’une des principales raisons pour lesquelles le style de scénario a changé de manière aussi significative que sur les 30 dernières années est l’émergence d’un type de scénario spécifique : le scénario de vente (« selling draft») qui est différent du scénario de tournage (shooting draft). Ce sera le sujet d’un prochain conseil.

© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.