Une des clés du métier de scénariste consiste à mener plusieurs projets à la fois.
Pour illustrer ce conseil, nous avons demandé à trois membres de La Guilde française des scénaristes de lister les scénarios sur lequels ils travaillent ou ont travaillés depuis trois ans. Voici leurs réponses :
Guillaume Lemans
Burnout (2016), scénariste
La nuit a dévoré (2016), scénariste
Dans la brume (2016), scénariste, producteur
À la Poursuite du Wotan (2017), scénariste, producteur
Furies (2017), scénariste, producteur
Kandisha (2017), producteur
Orion (2018), scénariste, producteur
Les Spécialistes, le remake (2018), scénariste
Meto (2018), producteur
Les Sentinelles, série (2018), scénariste, producteur
Marie Eynard
Esprits de famille (2016), scénariste
L’art du désastre (2016), scénariste
Psammy (2016), scénariste
Les enquêtes de Mirette (2016) scénariste
Yetili (2016), scénariste
L’île au trésor (2017), scénariste
Ils arrivent (2017), scénariste
OVNI (2017), scénariste
Ernest et Rebecca (2017), scénariste
Nos voisins les pirates (2017), scénariste
Milly Miss Questions (2017), scénariste
Hubris (2017), scénariste
Orion (2018), scénariste
Kid Lucky (2018), scénariste
Ultima Thulé (2018), scénariste
Imago (2018), scénariste
Laurent Turner
Prost (2016), scénariste
Les grands Moments de Solitude (2016), scénariste
Petit Spirou 2 (2016), scénariste
Polichinelle (2016), scénariste
Steve (2016), scénariste
Pourris Gâtés (2017), scénariste
Prix d’amis (2017), scénariste
Radin 2 (2017), scénariste
Complètement Barrées (2018), scénariste
La Plume (2018), scénariste
Avec Vue sous la Mer (2018), scénariste
Service National (2018), scénariste
Comédie Dussolier/Frot (2018), scénariste
Remarquez tout de suite – à part le fait que ces projets représentent une montagne de travail – que chaque scénariste a plusieurs titres par an en perspective.
C’est ce qui s’appelle empiler les projets (stacking projects).
Et ça réclame un savoir-faire particulier.
Primo, pourquoi voulez-vous multiplier les projets ?
La réponse est évidente : Afin de prévoir votre futur contrat… puis le contrat qui suit… et le contrat qui suivra ce dernier…
En tant qu’indépendant, c’est ce qui se rapproche le plus de la sécurité de l’emploi. Si vous pouvez vous projeter à un ou deux ans dans le futur, c’est la situation rêvée pour un scénariste, sachant que vous aurez à payer les frais de scolarité de Lou et Simon dont l’école privée coûtera une fortune.
Mais ça signifie aussi que vous devez être capable de porter plusieurs projets à la fois.
Il existe certainement plusieurs techniques pour empiler les projets quand on est scénariste et je ne peux pas parler pour les autres mais je peux vous donner quelques conseils.
A chaque instant, vous travaillez activement sur trois projets :
La réécriture :
C’est le projet dont vous avez déjà écrit une version et qui est signé. Vous travaillez sur les notes du studio ou du producteur.
L’écriture d’une première version :
C’est le projet sur lequel vous misez avec un producteur pour signer avec un studio ou une chaîne.
La préparation d’un nouveau projet :
C’est votre futur projet sur lequel vous vous documentez, souvent avec un réalisateur, vous faites des réunions pour vous creuser les méninges, développez les personnages et les intrigues.
Dans un monde idéal, vous bouclez une première version tandis que votre réécriture est en cours de révision. Les notes préparatoires pour un futur projet sont rédigées durant ces deux projets. Parfois, vous y consacrez un ou deux jours par semaine. Ou vous dédiez vos soirées à vous documenter.
Quand un scénariste veut multiplier les projets, il doit développer cette souplesse à passer d’un scénario à un autre, à embrayer d’un imaginaire à un autre. Si vous êtes capable de le faire et de le faire avec brio, vous avez les facultés d’un producteur, comme l’ajoutent certains auteurs à leur curriculum. Voyez Guillaume Lemans en France, ou Alex Kurtzman et Roberto Orci aux Etats-Unis par exemple. Sur IMDBpro.com, ils sont mentionnés dans dix-huit projets, dont 14 où ils ne sont que producteurs.
Vous l’avez compris : Vous pouvez développer ce talent de multiplier les projets dès aujourd’hui. Créez trois projets de scénario. Prenez-en un, dépiautez-le et écrivez une première version. Durant cette phase, préparez-en un second. Et pendant que vous faites ça, faites des recherches sur le troisième. Quand vous terminerez la seconde version du projet A, ne laissez personne lire une première version, envoyez-le aux personnes de votre choix pour avoir leur retour. Pendant ce temps, rédigez la V1 du projet B. Et n’oubliez pas de vous documenter sur le projet C.
Ça y est, vous « empilez » les projets. Et quand vous bouclez le contrat du projet A, vous dressez aussitôt les grandes lignes d’un de vos super concepts pour rester constamment avec trois projets.
Préparer, écrire, réécrire. Trois projets différents à la fois. De cette manière, vous allez écrire de nombreux scénarios tout en apprenant l’art de multiplier les projets.
Notez que certains auteurs ne sont pas “câblés” pour écrire comme ça. Ils doivent se concentrer sur un projet à la fois. Pas de problème. Trouvez simplement quel type de scénariste vous êtes et suivez vos instincts.
En général, je ne recommande pas aux auteurs qui débutent de multiplier leurs projets. C’est une règle d’or, il faut vous plonger suffisamment dans l’écriture pour vous sentir à l’aise avec les lois du métier et commencer à apprécier la multiplication des projets.
Et ça ne vous servira pas d’écrire précipitamment plusieurs scénarios d’une manière médiocre si vous ne pouvez pas donner à chacun d’eux l’attention qu’il mérite.
Inversement, si vous avez écrit quatre ou cinq scénarios, et que vous savez comment écrire rapidement une version et avoir des bons retours sur votre écriture, il n’y a aucune raison pour ne pas essayer de multiplier les projets. De cette manière, quand votre scénario passera en production et que vous serez identifié dans le milieu, vous serez prêt à proposer plusieurs projets à la fois.
© Scott Myers – Article traduit par un.e scénariste membre de La Guilde française des scénaristes.