Communiqué
14/10/2025

La Guilde française des scénaristes dit NON à l’accord entre les auteurs-scénaristes et les producteurs de cinéma

La Guilde française des scénaristes – signataire des accords fiction et animation – annonce qu’elle ne signera pas le projet d’accord interprofessionnel cinéma négocié sous l’égide du CNC, que le SCA, la SRF, l’ARP, la SACD et les organisations de producteurs s’apprêtent à signer ce mercredi 15 octobre 2025. La Guilde a informé le CNC par courrier de sa position.
 

Finalisé sans consultation de La Guilde, cet accord menace l’avenir économique des scénaristes de cinéma et risque d’institutionnaliser durablement leur précarité.

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La Guilde, présente depuis cinq ans dans les instances de concertation professionnelle dédiées au cinéma, s’alarme de l’indigence des Minimums Garantis d’Écriture « Plancher » (MGEP) fixés par le projet d’accord :

  • Scénariste écrivant seul : 17 000€ bruts, soit 1 076€ nets par mois sur un an, ou 594€ nets par mois sur deux ans
  • Deux scénaristes : 13 600€ bruts par scénariste, soit 861€ nets par mois sur un an
  • Trois scénaristes ou plus : 11 000€ bruts par scénariste, soit 696€ nets par mois sur un an

Ces sommes couvrent six étapes d’écriture, réparties généralement sur une période de 1 à 3 ans !

À titre de comparaison, l’accord SARTEC/AQPM 2025-2029 au Québec, pays de droit d’auteur, garantit aux scénaristes de cinéma :

  • 35 500€ de minimum garanti pour un scénariste seul (soit plus du double du minimum français)
  • Des redevances de 6% dès le premier euro de recettes

Cette différence interroge : pourquoi un scénariste français devrait-il percevoir deux fois moins qu’un scénariste québécois pour un travail équivalent ?

Qui plus est, selon les données de la profession, plus de deux tiers des films français de cinéma sont co-écrits par au moins deux auteurs – notamment par un scénariste associé à un réalisateur. Dans cette configuration majoritaire, le scénariste percevra donc 13 600€ bruts sur 1 à 3 ans tandis que le réalisateur bénéficiera, lui, d’une rémunération salariale distincte à partir du moment où le tournage commencera.

Cet accord satisfait peut-être les auteurs-réalisateurs, mais oublie de considérer un autre professionnel : le scénariste co-auteur du film, qui se retrouvera ainsi seul à devoir vivre avec un revenu largement inférieur au seuil de pauvreté (fixé en France à 1 158€ nets par mois pour une personne seule en 2024).

Bien entendu, on parle ici de minimums – négociables en mieux par un agent ou l’auteur lui-même… Sauf que, l’expérience des accords collectifs en fiction audiovisuelle, dont La Guilde est signataire, le démontre : les minimums fixés deviennent rapidement la norme de marché, et non le plancher en-dessous duquel il est interdit de descendre.

La Guilde alerte : sans mécanisme d’indexation sur l’inflation ni clause de révision régulière, cet accord risque de figer les rémunérations des scénaristes de cinéma à des niveaux insuffisants pour plusieurs années. En fixant des planchers aussi bas, assortis de multiples exemptions, le texte transforme une situation de fait – à savoir des rémunérations insuffisantes – en norme contractuelle validée institutionnellement.

Pourtant, on le sait : il y a un lien direct entre précarité économique et exposition aux violences et abus de pouvoir. Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les violences, harcèlements et discriminations sexistes et sexuels dans le cinéma (2024), dans le cadre de laquelle La Guilde avait été auditionnée et qui avait porté la parole des victimes scénaristes, a lui-même établi ce lien.

Lorsqu’un professionnel perçoit moins de 600€ par mois, sa capacité à refuser un projet aux conditions toxiques, à poser des limites professionnelles ou à quitter une collaboration problématique est gravement compromise.

Des minimums garantis insuffisants ne protègent pas les auteurs : ils les exposent.

Les 320 scénaristes membres de La Guilde, consultés sur ce projet d’accord, ont donc exprimé leur opposition. Près de la moitié d’entre eux travaillent ou ont travaillé pour le cinéma. Leur conviction est unanime : ce texte porte en germe l’effondrement durable des conditions économiques d’exercice du métier de scénariste de cinéma en France.

La Guilde française des scénaristes ne signera pas ce texte.

Nous continuerons à nous battre pour que le métier de scénariste soit enfin reconnu à sa juste valeur.

 

Scénaristes non syndiqués : cet accord vous concerne

 

Vous n’êtes pas syndiqué ? Cet accord déterminera pourtant vos futures rémunérations. Une fois étendu, ces minimums deviendront la référence contractuelle. Ces 17 000€ bruts pour auteur solo, 13 000€ bruts en tant que co-auteur, présentés comme un plancher, risquent de devenir votre plafond.

Ce qui se négocie aujourd’hui, c’est votre capacité à vivre dignement de votre métier demain.

Ce que vous pouvez faire maintenant :
Demandez à vos agents ce qu’ils pensent des conséquences de cet accord sur la négociation de vos contrats.
Partagez massivement ce communiqué sur vos réseaux et auprès des scénaristes que vous connaissez.
Contactez La Guilde pour échanger, vous informer et rejoindre le combat.
Signez notre pétition* adressée au ministère de la Culture pour demander à ce que cet accord ne soit pas étendu à l’ensemble de la profession : https://www.change.org/pétition-contre-lextension-de-laccord-interprofessionnel-en-cinéma
Refusez la fatalité : les scénaristes méritent mieux que la précarité institutionnalisée.

*Suite à l’extension de l’accord cinéma le 21 octobre 2025, la pétition est désormais fermée, malgré ses plus de 1200 signataires.

 

Contact presse

Camille Bouvelot – 06 50 08 76 29 – camille.bouvelot@guildedesscenaristes.org